10/12/2010

Et un sourire



(Il y a toujours un rêve qui veille)


Sophie a encore fumé. Elle a les pupilles toutes dilatées. Elles dévorent la pièce, on ne voit que ça.
Tout à l'heure, elle était accroupie dans sa salle de bains, sur le carrelage en camaïeu de bleu, et s'était juré que c'était la dernière fois. La dernière fois qu'elle fumait ? Ou la dernière fois qu'elle pensait à Paul ? Elle regardait les volutes s'élever et lécher le plafond. Ça la faisait penser à lui, encore. Et elle se surprenait à penser à lui rien qu'en regardant ça. De la fumée. C'est quoi le putain de rapport ? Ah oui. Paul est évanescent. Il est là quand il veut, un jour sur deux, quand ça lui prend, quand il a envie qu'on lui dise des jolies choses. Et elle est là, elle attend. Elle l'attend. Les malheurs de Sophie, tu parles.

Alors elle se ressaisit et tenta de penser à autre chose. Elle regarda droit devant elle. Sous le lavabo, il régnait un joyeux désordre. Une vieille boîte à gâteaux bretons, une bougie, un fer à boucler, des médicaments. Elle voyait son reflet dans les tuyaux. Une tête énorme avec un corps minuscule. « Bienvenue dans le monde de Sophie » siffla t-elle entre ses dents. La gorge pleine de fumée, elle se résolut à lire le mode d'emploi d'un shampooing qui traînait. Pour cheveux ternes et plats, Cien haircare, aux acides de fruits. Bingo, elle n'a pas pensé à Paul pendant l'espace d'une minute. Elle aurait du lire moins vite.

Elle se disait qu'elle avait envie de pleurer, juste comme ça. Mais elle n'a jamais réussi à pleurer en fumant. Dieu sait pourquoi. Et puis, elle n'avait pas envie que la soirée se termine, d'aller au lit seule et dans ses draps froids. Pas envie de dormir. Plus jamais, plus jamais dormir. Jamais dormir sans lui.

Il fallait relativiser : c'était son anniversaire. Sors toi de là, Soph. C'est pas tous les jours qu'on a dix-neuf ans. Alors elle est sortie, la porte a grincé derrière elle. Avec elle, le cendrier.

Et un sourire.



3 commentaires:

  1. "Tout à l'heure, elle était accroupie dans sa salle de bains, sur le carrelage en camaïeu de bleu, et s'était juré que c'était la dernière fois. La dernière fois qu'elle fumait ? Ou la dernière fois qu'elle pensait à Paul ? Elle regardait les volutes s'élever et lécher le plafond. Ça la faisait penser à lui, encore. Et elle se surprenait à penser à lui rien qu'en regardant ça. De la fumée. C'est quoi le putain de rapport ? Ah oui. Paul est évanescent. Il est là quand il veut, un jour sur deux, quand ça lui prend, quand il a envie qu'on lui dise des jolies choses. Et elle est là, elle attend. Elle l'attend. Les malheurs de Pomie, tu parles.
    (...)
    Elle se disait qu'elle avait envie de pleurer, juste comme ça. Mais elle n'a jamais réussi à pleurer en fumant. Dieu sait pourquoi. Et puis, elle n'avait pas envie que la soirée se termine, d'aller au lit seule et dans ses draps froids. Pas envie de dormir. Plus jamais, plus jamais dormir. Jamais dormir sans lui."

    L'histoire de ma vie youpiii. Ah, c'que j'suis désespérante de bêtise et de soumission. J'en suis consciente et pourtant je fonce quand même tête baissée dans le mur ; je crois que les histoires simples et banales me font peur, alors que ce serait tellement mieux...

    je t'ai vue à la fac mardi après midi, ça faisait très longtemps que je ne t'avais pas croisée. Mais tu étais un peu loin, alors je n'ai pas vraiment osé crier "Annabelleeeee !!" ... Stupide timidité. :)

    RépondreSupprimer
  2. Quand je veux éviter de pleurer, j'allume une cigarette. ça aide beaucoup :)

    RépondreSupprimer
  3. Et la garde partagée de Winston alors ?
    :)
    <3

    RépondreSupprimer