26/09/2011

Mourir de ne pas mourir



Il s'appelait Paul et portait un chapeau.


Par tous les temps, il se tenait là, au milieu des pavés, le feutre vissé au crâne, comme agrafé aux cheveux. Debout, une main dans la poche et la bouche boudeuse, on ne voyait que lui. De temps en temps, ses lèvres laissaient échapper un petit rictus. Il avait déjà cet air énervant des grands hommes.


(You

You walk on past

Your lips cut a smile on your face)



Et on a tenté – une fois, deux fois – de ne pas voir dans ses yeux gris l'ombre d'une invitation. Vaguement repoussé l'espoir qu'il parviendrait à comprendre ne serait-ce que le millième des choses qui s'étaient tues.


(And my honour's at stake)


Cet espoir qui ne meurt jamais vraiment, même si on s'était acharné à le démolir, à sauter dessus à pieds joints. Un inlassable, un grotesque espoir, un de ceux qui renaissent à qui mieux-mieux et qui vous rendent lâche et plus placide encore.


(If you don't stay tonight

I will take that plane tonight)


Combien de temps attendre encore, si l'on doit encore attendre ? Qu'attendre de plus avec moins que rien... ?


(I've nothing to lose, nothing to gain

I'll kiss you in the rain)



Alors on abandonne, on tente une fois de plus, avec quelqu'un d'autre, d'une autre manière, moins fort, plus longtemps. On se réinvente à l'infini. Et quand tout semble apaisé, quand l'accalmie se montre enfin, quelques vers de Pouchkine suffisent pour tout recommencer.



Mais faut-il vous dire mon malheur

Et ma sombre jalousie

Quand vous partez loin en promenade,

Quelque fois par mauvais temps ?

[…]

Je n 'ose réclamer de l'amour

Peut-être que tous mes péchés,

Mon ange, m'en rendent indigne !

Mais faites semblant ! Ce regard

Peut tout exprimer à merveille !

Me tromper est si facile !

Et moi si content qu'on me trompe !





Et toi, pourquoi tu dors encore... ?


Il s'appelait Paul et portait un chapeau.