10/02/2011

Les limites du malheur





Je n'ai plus l'envie, ni la force d'écrire. J'en ai assez de déverser mes fausses fictions, mes petits bouts de rêve en faisant semblant de ne pas y croire.

J'écris et je pense comme j'achète un thé à la machine de la fac, quatre pièces jaunes à glisser dans la fente et une ou deux touches à presser : depuis des mois, le gobelet est là; il se remplit, j'attends fiévreusement le bip strident et libérateur. J'ai envie de sucre, mais j'ai peur de me brûler les doigts et les lèvres. J'ai oublié la couleur trop infusée et le goût du Ceylan. La dernière fois remonte à l'hiver dernier et depuis ce jour, j'ai tout tenté pour tenir mes mains au chaud, à l'abri du froid. Enfoncées dans les poches de mon caban, mitaines, gants, moufles, poings reliés contre le souffle tiède de ma bouche inutile. Darjeeling, ginseng, menthe, citron. Rien n'y a fait. C'est pas mon cœur, c'est mes mains qui sont froides, toutes rouges et craquelées, jusqu'au poignet, jusqu'à ma montre trop grande. (Tu sais, la noire.) Toujours au poignet droit. A croire que je fais exprès de les laisser dehors, mes mains pendantes et mortes, pour que tu les prennes dans les tiennes. De moi-même, je n'arriverais jamais à les glisser dans tes poches.
Mais c'est bien trop long à expliquer. Sauf si tu prends ton après-midi, et que tu m'offres un thé.


(Mon désert contredit l'espace / Désert pourri désert livide)