14/12/2010

Il faut bien y croire


« Tu sais, des fois quand tu ris, on dirait que tu pleures »

Camille sourit, il l'a dit comme ça, d'un air désinvolte, sans but précis. Lola ne sait pas trop comment réagir: son rire s'arrête net; son sourire pend, hésitant. Mince alors, il a tout deviné, pesta intérieurement Lola. Je suis si transparente que ça ? C'est vrai que ça ne va pas, en ce moment, et surtout avec George. Il est distant. Et même quand il est là, près de Lola, il est absent, il ne dit rien. On dirait un pantin. Un épouvantail avec un faux cœur, un cœur qui bat à contretemps.

Camille et Lola se sont rencontrés l'année dernière. Elle s'en souvient comme si c'était hier, c'était le jour de la rentrée: Camille avait bousculé Lola dans un couloir de la fac, s'était excusé puis présenté; et depuis ça, ils étaient inséparables.
Il lui disait des jolies choses, elle le faisait rire. Il avait la peau douce et il sentait la menthe poivrée. Ses mains étaient chaudes comme un pain qui sort du four, mais son rire lui glaçait le cœur. Un coup chaud, un coup froid. Parfois, elle avait juste envie qu'il se taise; le reste du temps, ne pas le voir ni l'entendre faisait trop mal à Lola. Elle voulait le secouer par les épaules, lui dire d'arrêter d'être aussi bon et beau, d'être aussi instable et sauvage. De toute façon, il ne l'aurait pas prise au sérieux. Il ne la prend jamais au sérieux. Très vite, elle avait commencé à trembler, à penser à lui tout le temps, pour une chanson, pour une odeur, pour une phrase qu'elle avait lue quelque part. Et quand elle s'en rendait compte, elle s'en voulait terriblement. Elle était d'un irrespect ! A se cogner contre les murs. Qu'elle pouvait se détester dans ces moments là. Penser à lui, alors que George est là, tout contre elle! si près qu'il pourrait l'entendre aimer un autre garçon que lui...


« Ça ne se voit pas trop, j'espère ? Vu de l'extérieur, je veux dire... »
« Non ne t'inquiète pas, je suis le seul »

Camille, le seul à pouvoir lire en Lola comme en un livre ouvert... Ils continuent à parler, à rire. Le tramway arrive en glissant le long du trottoir. Il est l'heure, l'heure des adieux. Lola soupire tout bas en pensant à la nuit qui l'attend. Camille prend la main de Lola, la serre tout doucement, et ses yeux sont drôlement las. Lola monte dans le tramway, un peu abrutie. Ils se suivent du regard tandis que le tram redémarre.
Mais George se tient derrière Lola, il voulait lui faire la surprise et l'attendre à la station. Il a tout vu sans comprendre. Au bout de quelques minutes, Lola fait volte-face et le regarde : des larmes ruissellent sur ses joues rougies et son maquillage a un peu coulé. Et mince.

Il sait.


(Du monde où nous rêvons de faire place aux autres)

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