25/09/2010

Corps mémorable




Mercredi quatorze heures. J'étais assise dans l'amphi, comme toujours dans le fond mais pas trop, sur le côté droit. De là je pouvais voir à peu près tout le monde. Le cours de Monsieur C. débutait, il nous faisait rire - comme d'habitude; ses chaussures crissaient sur le linoléum beige et il s'en excusait platement, avec un petit sourire en coin, ce petit sourire qu'on finira par connaître par cœur à la fin de l'année.

J'aimais bien le cours de Monsieur C. et en particulier son intitulé : « histoire littéraire du Moyen-Age à nos jours ». Je m'imaginais dans une jungle luxuriante, marchant vivement avec une machette à la main pour tenter de débroussailler tout ça. C'était lui d'ailleurs qui nous avait dit, lors du premier cours magistral, que la littérature était avant tout une aventure. Et il avait bien raison.

J'écrivis ROMANTISME en haut de ma copie avec mon bic bleu - le jaune avec des sarcophages que Marion avait volé pour moi au British Museum. C'était il y a deux ans déjà... C'était beau Londres. Il pleuvait beaucoup, je parlais anglais et je buvais du vrai Breakfast Tea. Un peu comme ici, quoi. Et puis je pensais qu'après mes examens j'irais y faire un tour, et puis peut-être revoir Ivy, ce serait sympa.

Je tournai la tête vers la rangée gauche, la joue bien calée dans le creux de ma main. Il y avait deux trois filles côte à côte, de parfaits petits sosies, avec chacune leur ordinateur miniature - comment on dit déjà ? Netbook ? Derrière elles, une autre fille avec une longue queue de cheval s'abreuvait au goulot d'une bouteille d'eau minérale. Les filles à côté et derrière elle chuchotaient. Celles en face de moi ne parlaient pas, le nez dans leurs notes, elles écrivaient très vite. Si vite que j'avais l'impression que leur plume ne touchaient même pas le papier ! C'était la dizaine d'étudiantes Erasmus, les finlandaises. Et une polonaise aussi, je crois.

Et un peu derrière, deux garçons restaient silencieux dans le chahut de ragots et de bruits de papier froissé. L'un fixait d'un air impassible sa bouteille remplie d'un liquide rouge cerise, sûrement de la grenadine.
L'autre me scrutait, avec un regard asymétrique, incompréhensible. Je détournai la tête, mal à l'aise.

Il avait les yeux vairons. Un œil brun et l'autre vert. Les mêmes yeux que le chat du campus.



Hâte toi de dissoudre et mon rêve et ma vue

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