07/03/2012

Je ne suis pas seul


14:26

Mes yeux se posent sur de vieilles tasses à thé entassées amassées depuis je ne sais combien de temps, maigres reliques de faïence
et elles sont là, comme moi, bibelots vides et froids, gorge souillée de sucre - seuil gorgé de poussière mouillée
Et j'ai dans la bouche le goût amer d'aimer, celui d'un rire évaporé (à moitié), désillusion désinfusée - après tout ce temps - et une cuillère d'inox pour mélanger, elle se contente de peindre la fièvre d'une rage qui se mesure en degrés
Mon eau furieuse c'est celle qui bout - les bulles blanches les bulles bleues - à fendre une porcelaine
Elle passe par les trous qu'a fondu la patience vaine
Tu me touches moi l'échaudée et je te brûle
(cloque à percer) puis fin de cloaque, puisqu'il faut bien verser
Le soupir liquide d'un rêve ébouillanté
Les délices d'un orgueil passé et les dégoûts d'une âme blanche qui s'effacent à jamais
(Un enfant mange le calme plat
Et dans mon cœur un cœur qui bat)


Dehors, la pluie dilue ce qu'il reste de moi.






23:23

Encore quelqu'un qui part. Tout le monde part. Pas d'un coup, bien sûr, ce serait trop simple. On part toujours en laissant des traces, des miettes. Un cardigan gris sur le dossier d'une chaise. Un post-it sur une porte. Des petits morceaux de nous, sur place. Au fur et à mesure, la matière friable des souvenirs se fissure et tout tombe dans un bruit mat et sourd. Devient une pâte épaisse dont on couvre les murs. Fait de la place pour de nouvelles tortures. On se contente de peu, ça se mange tout seul. Tout le monde part. Et pourquoi pas, après tout ? L'appel exotique d'une clarté un peu floue, une herbe plus verte ailleurs, le goût sucré d'une existence à jamais neuve et nouvelle. Pour un sable plus fin qui fait sa ronde comme personne, pour un chagrin plus doux quand on vous abandonne, pour un pas en arrière (couard ? sécuritaire ?)... Les secrets d'avant, pliés en quatre, demeurent cois, comme des cache-misère. Une issue quelque part. Et à défaut de chercher ailleurs, on trouvera partout.

(A force, je ne sais plus qui de nous deux est l'absent de l'autre)

Tout le monde part. Ca ne peut pas faire de bien. La seule solution, c'est de partir aussi. Parce que la mauvaise place, c'est celui qui reste.


3 commentaires:

  1. Amèrement délicieux !
    Continue, j'aime beaucoup savourer tes textes.

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  2. 23:23. Difficile de lire ça quand on se doute que celle qui nous envoie le lien de ce texte nous le destine personnellement. Mais merci Annabelle pour tes mots qui émeuvent, pour leur puissance et pour leur poésie.

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  3. (Le second texte était destiné à ma sœur, soit dit en passant...)

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