03/07/2010

Vivre ici


Ma chambre sentait le dernier bâtonnet d'encens que j'avais brûlé. Il s'appelait "Nature après la pluie" ou un nom déliro-bio dans ce goût là. Je l'attendais, la pluie, justement. J'attendais qu'elle tombe, pas forcément en trombe, je voulais simplement la voir lécher les pavés sous ma fenêtre dans un petit nuage blanc de poussière et de vapeur, presque imperceptible. Dieu sait que Nancy est une des villes les plus pluvieuses de France, et qu'une quasi canicule ne pourrait rien y faire. Miss Météo sur France2 l'a dit, clairement, dans le cadre de ma petite télé jaune : la Lorraine est en zone orange, des orages ne vont pas tarder à éclater. Alors j'ai attendu, j'ai scruté le ciel d'un bleu imperturbable, regardant les gens passer d'un œil placide. J'ai fait tourner mes trente-trois tours, une fois, deux fois, trente-trois fois; stagné devant le ventilateur les yeux à demi-clos, lézardant sur ma terrasse, mais rien à faire. Le déluge m'a boudé, la tempête a fait la tête.
Alors pour passer le temps, j'ai lu le journal. Puis j'ai ouvert les portes de mon armoire, tentant de mettre de l'ordre. Mais le coeur n'y était pas, et je tendais l'oreille pour vérifier si les gouttes ne s'abattaient pas déjà sur les vitres, si elles n'étaient pas déjà en train de tambouriner mes tuiles comme elles le faisaient toujours (mais en ne faisant jamais la même musique), si les torrents d'eau ne coulaient pas déjà sur les pavés et dans les caniveaux. J'imaginais les longues bandes liquides glisser le long de ma rue comme si elles nettoyaient l'asphalte, comme si elles désinfectaient le ciment, pansaient les plaies de la pierre. Les passants seraient en train de courir. Des femmes couvriraient des mains leurs cheveux avec un petit cri strident, des hommes ouvriraient de grands parapluies noirs, sobres mais chics; et des enfants sauteraient dans les flaques d'eau grise à proximité de leurs petits pieds blancs. Le faubourg s'agiterait, reprendrait vie comme après une longue sécheresse...
Je me contentai de fermer les portes de l'armoire. La chaleur ne reculait pas. Le thermomètre indiquait 35°C à l'ombre. Dans un soupir déçu, j'ouvris la porte du réfrigérateur et pris la bouteille de thé glacé.
Il faudrait attendre encore longtemps avant la mousson.



2 commentaires:

  1. Joli envolées, j'aime beaucoup !

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  2. Tu commences quelque chose de nouveau, c'est bien.
    Et je suis ravie d'être dans tes coups de coeurs :)


    <3

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