Audrey Hepburn & Mel Ferrer / Love coat
Il est passé le temps où je t'aimais
comme on aime à quinze ans, je veux t'aimer comme une femme aime un
homme, comme une femme aime quand elle n'attend plus, je veux un
foyer avec des cadres en bois, des photos qu'on a prises en voyage,
ces voyages qu'on ne se lasse pas de faire, on donnera des petites
pièces de monnaie aux musiciens des rues, on sirotera des cocktails
trop forts sous un parasol de toutes les couleurs et un soleil
fatigué qui baille et qui se jette dans l'eau, et nous on sera
heureux de voir que le temps passe, parce qu'on le passe ensemble, et
puis on ne se dira plus au-revoir à l'aéroport, on rentrera chez
nous, on retrouvera nos chiens aux noms bourgeois, du genre Salvador
ou Django, et tu seras toujours à table avec tes biscuits et ton
verre de lait, tu fumeras toujours tes cigarettes roulées qui
sentent mauvais, et tes cheveux seront encore trop longs, mais je te
dirai que je les aime bien comme ça, tu auras toujours cet air de
dédain quand je boirai mon café français sucré avec un nuage de
lait, tu parleras encore cette langue que je ne comprends qu'à
moitié, mélange de toutes les langues du monde, et quand tu riras
tu auras toujours les yeux presque fermés comme un chat sauvage, on
suivra des inconnus dans la rue juste pour leur demander comment ils
s'appellent, pour qu'ils ne soient plus des inconnus, on se mettra
pieds nus pour qu'on parle de nous, le dimanche soir tu t'endormiras
devant un vieux film en noir et blanc, tes lunettes rondes sur ton nez, un
gros livre ouvert et posé sur ta poitrine qui se soulève, se
baisse, se soulève, se baisse, le lendemain tu te fâcheras d'avoir
perdu ta page en te réveillant, et moi j'aimerais toujours ton air
boudeur, tes cils longs comme ceux d'une fille maquillée, ton grain
de beauté sur la joue droite qui ressemble à une mouche d'aristo,
tes blagues qui me font rire parce qu'elles ne sont pas drôles, la
façon dont tu te mords les lèvres comme si tu hésitais, alors que
tu le sais, tu sais très bien ce que tu veux, et tu sais que tu
l'auras, et tu auras la même démarche si lente savoureuse comme un
mauvais siècle, comme quelqu'un qui se fait désirer sans le vouloir
vraiment, inconscient, provoquant, je t'aime par accident, et ainsi
de suite
(Et moi, au même moment, jour après jour, je vis ma
vie en attendant de faire partie de la sienne)
Je ne me lasse jamais de te lire.
RépondreSupprimerEt j'aime cet article tout particulièrement...
M.